« M. le Premier Ministre, un choc en faveur du logement en Île-de-France est vital pour la cohésion sociale et la dignité humaine ! »
« Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. »
Le 1er février 1954, l’Abbé Pierre lançait l’Appel. Il organisa une chaîne de solidarité pour les sans-toits et participa à une prise de conscience nationale sur le sort, dans la société d’alors, des sans-abris.
70 ans plus tard, à même l’asphalte ou sur un bout de carton, dans la rue, les voitures ou les bois d’Île-de-France, plus de 12.700 sans-abris et 150.000 sans domicile fixe survivent, été comme hiver.
70 ans plus tard, le mal-logement prospère et frappe 1,5 million de personnes en Île-de-France avec son lot de souffrances, de violences intrafamiliales parfois, de vies affectées toujours. Et que dire des 783.489 demandes de logement social officiellement en attente dans les préfectures franciliennes… et des millions de locataires pris au piège de l’habitat insalubre, de loyers indignes, de marchands de sommeil, etc.
Depuis 20 ans, les libéraux s’efforcent d’affaiblir le modèle français du logement social en le méprisant, en l’asphyxiant et en le stigmatisant, lui et ses locataires. 70% de la population, pourtant éligible au logement social, devrait donc faire le deuil de ce bien commun, vecteur de dignité, d’égalité, d’émancipation.
En 2023, les mises en chantier de logements finissent au plus bas depuis… 1993 ! 23 ans après la loi SRU, 64% des communes soumises à l’obligation de compter 25% de logements sociaux ne respectent ni ce minimum légal, ni les objectifs de constructions. Le nombre de demandeurs de logement social atteint un niveau sans précédent. Les bailleurs ont été affaiblis par le pouvoir en place, l’inflation et, plus récemment, par la hausse des taux d’intérêt. Ils ont de plus en plus de mal à rénover l’existant laissant les passoires thermiques en l’état. Les parcours résidentiels sont entravés. La spéculation est maximale face à la pénurie et à la faiblesse des garde-fous. L’offre locative du public comme du privé se contracte en favorisant l’envolée des prix des loyers dans le privé.
Ce terrible constat n’arrête pas l’innovation des opposants au logement pour tous. En Île-de-France, Valérie Pécresse tente d’imposer l’interdiction de construire du logement social dans les communes comptant plus de 30% de logements PLAI/PLUS, à travers le projet de schéma directeur d’aménagement de la Région (SDRIF-E) opposable aux PLU et PLUI. L’application d’une telle mesure, baptisée toute honte bue anti ghetto par son autrice, impliquerait la chute de la production sociale de 21% selon les services de l’État. Un projet politique dépourvu d’études d’impacts qui ne s’accompagne pas de mesures incitatives ou coercitives pour les 50 communes franciliennes hors-la-loi SRU. Un mauvais coup qui intervient alors que le délai d’attente moyen d’un logement social a atteint 10 ans dans la Région. Une tentative néfaste que nous tenterons de contrer lors de l’enquête publique relative au SDRIF-E qui s’ouvrira le 1er février 2024, à défaut d’un véto de l’État sur ce point.
L’Île-de-France est à la croisée des chemins : loger dignement sa population ou la chasser par la pénurie ou le prix. Un choc en faveur du logement et la dignité en Île-de-France nous apparaissent vitaux. Les voix qui s’élèvent des territoires, des élus, des locataires et de leurs représentants, des acteurs de la solidarité, du logement, du bâtiment ne peuvent rester lettre morte. Répondre à ce besoin spécifique est un impératif de cohésion sociale tant les inégalités induites sont béantes. Elles nourrissent la colère, la résignation et la perte de confiance dans les pouvoirs publics.
Respect de la loi SRU par l’application d’incitations et de sanctions nouvelles, retour d’une aide à la pierre significative, encadrement des loyers excessifs dans les zones en tension, censure du dispositif régional anti ghetto, rétablissement d’un taux de TVA réduit sur l’ensemble de la production sociale, fiscalité foncière tournée vers la construction, mesures de réduction de délais administratifs, renfort et simplification des aides à la rénovation, rétablissement de l’APL accession, adaptation des aides au logement aux réalités sociales et territoriales, augmentation des capacités d’hébergement d’urgence toute l’année, des actions contre la vacance de logements, création de parcours sécurisés d’accès au logement pour les jeunes, rénovation énergétique, augmentation des taxes sur les logements vacants et les résidences secondaires… Des propositions concrètes sont sur la table avec un unique objectif : résorber la crise et loger dignement toute la population. Cette volonté est-elle partagée au sommet de l’État ?
Face à la gravité de la situation, nous invitons l’État à prendre ses responsabilités. Monsieur le Premier Ministre, le nouveau ou la nouvelle Ministre du Logement, faites vos propositions pour un choc véritable en faveur du logement pour tous en Île-de-France. L’heure est au courage et à l’action véritable.
Signataires :
- Emmanuelle Cosse, ancienne Ministre, Conseillère régionale d’Île-de-France
- Eddie Jacquemart, Président de la Confédération Nationale du Logement
- Céline Malaisé, Présidente du groupe La Gauche Communiste, Ecologiste et Citoyenne de la Région Île-de-France
- Stéphane Troussel, Président du Département de Seine-Saint-Denis
- Jacques Baudrier, adjoint à la Maire de Paris en charge du logement et de la transition écologique du bâti
- Pierre Bell-Lloch, Maire de Vitry-sur-Seine
- Patrice Bessac, Maire de Montreuil, Président de l’Etablissement Public Territorial Est Ensemble
- Charlotte Blandiot-Faride, Maire de Mitry-Mory, Vice-Présidente de l’Association des Maires de France
- Luc Carvounas, Maire d’Alfortville
- Patrick Chaimovitch, Maire de Colombes, Vice-Président de la Métropole du Grand Paris
- Kader Chibane, Président du groupe Pôle Ecologiste de la Région Île-de-France
- Jean-François Delage, Maire du Kremlin-Bicêtre
- Adrien Delacroix, Président de Plaine Commune Habitat
- Carine Delahaie, Présidente de Valdevy
- Elsa Faucillon, Députée des Hauts-de-Seine
- Fabien Gay, Sénateur de Seine-Saint-Denis
- Alain Gaulon, Secrétaire confédéral de la Confédération Nationale du Logement
- Jean-Philippe Gautrais, Maire de Fontenay-sous-Bois
- Jérôme Guedj, Député de l’Essonne
- Florent Guéguen, Président d’Est Ensemble Habitat
- Jean-Jacques Guignard, Président d’IDF Habitat
- Patrick Haddad, Maire de Sarcelles
- Benoît Hamon, Conseiller régional d’Île-de-France
- Jean-Paul Jeandon, Maire de Cergy, Président de la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise
- Françoise Kern, Président de la Coop HLM Pantin Habitat
- Jonathan Kienzlen, Président du groupe Socialiste, Ecologiste et Radical de la Région Île-de-France
- Patrice Leclerc, Maire de Gennevilliers, Président du groupe Front de Gauche et citoyen de la Métropole du Grand Paris
- Michel Leprêtre, Président de l’Etablissement Public Territorial Grand Orly Seine Bièvre
- Sofia Manseri, Présidente de Gennevilliers Habitat
- Mathieu Monot, Président de Seine-Saint-Denis Habitat et de la Coop Les Habitations Populaires
- Denis Öztorun, Maire de Bonneuil-sur-Marne, Vice-Président de l’Association des Maires de France
- Eric Pliez, Maire du XXe arrondissement de Paris, Président de Paris Habitat
- Ali Rabeh, Maire de Trappes
- Frédéric Ragueneau, Directeur de la Coop Les habitations populaires
- Philippe Rio, Maire de Grigny
- Laurence Rossignol, Sénatrice du Val-de-Marne
- Pascal Savoldelli, Sénateur du Val-de-Marne
- Ghislaine Senée, Sénatrice des Yvelines
- Sophie Taillé-Polian, Députée du Val-de-Marne
- Delphine Valentin, Directrice d’IDF Habitat