L’Unité populaire d’Allende demeure un modèle politique
Le dimanche 10 septembre, nous nous sommes retrouvés à Massy près de la stèle au Rond-Pont Salvador Allende pour la Commémoration de la mort du Président chilien. J’en ai profité pour rappeler, cinquante ans après le coup d’état du 11 septembre 1973, l’importance de son héritage et de son modèle politique, prônant une union de la gauche unie face aux ennemis de la démocratie.
“ « Travailleurs de mon pays, ils peuvent nous assassiner mais on ne retient pas les mouvements sociaux ni par le crime, ni par la force. Tôt ou tard se rouvriront les larges avenues par où passe l’homme libre qui ira construire une société nouvelle. » Ces mots, vous les connaissez peut-être. Là, peut-on les lire gravés sur la stèle située devant/derrière nous.
Géographiquement, le monument de Salvador Allende de Massy constitue un lieu de mémoire inédit. Du rouge miroitant ses convictions aux derniers mots prononcés sur les ondes chiliennes, la stèle nous offre l’espace idéal pour retracer l’histoire d’un homme exemplaire.
J’aimerais remercier les élu(e)s de Nous Sommes Massy (et en particulier Hella Kribi-Romdhane ma suppléante), des militantes et militants, des sympathisantes et sympathisants de la Gauche à Massy pour nous avoir réunis aujourd’hui afin de commémorer un homme sage, réformiste et courageux. C’est un honneur pour moi, en tant que député, de prendre la parole à cette occasion.
Salvador Allende est mort il y a cinquante ans. Le 11 septembre 1973, le coup d’État du général Pinochet sonnait le glas de la démocratie chilienne. Le général dépose le président. La tragédie de la force éclipse l’aurore de la révolution chilienne, tout à la fois socialiste, démocratique, pacifique.
Figure emblématique de la lutte pour la démocratie, la liberté et la justice, replongeons-nous dans une de ses expressions lumineuses : « L’Histoire nous appartient, c’est le peuple qui la fait. » disait-il à la Moneda de Santiago quelques heures avant sa mort. Salvador Allende avait profondément foi dans l’Histoire avec une majuscule, celle qui fait converger histoires individuelles et collectives, celle d’une lutte infaillible dans la défense de son idéal (socialiste) de justice.
Cette foi dans l’histoire, elle doit nous inspirer. j’aimerais en rappeler l’écho dans nos quotidiens aujourd’hui.
L’Histoire est faite de miracles, de surgissements, de révolutions et de bifurcations. Les hommes libres accomplissent par leurs combats la construction du monde dans lequel ils vivent. Les idéaux qui les portent forgent leur propre réalité. Foi dans l’histoire, foi dans l’humanité.
Ne jamais penser que “tout est joué d’avance”, ne jamais céder à l’abattement, ne jamais se résoudre à la fatalité. Voici le cœur du projet politique et social de Salvador Allende.
Allende naît le 26 juin 1908 et grandit dans une famille bourgeoise aux idées radicales et humanistes. Son grand-père « Allende le Rouge », est le fondateur de la première école laïque au Chili. À treize ans, il découvre Bakounine. C’est décidé, il sera marxiste. À l’université de Santiago, quelques années plus tard, il participe activement, en tant que vice-président de la Fédération des étudiants de Chili, aux mobilisations étudiantes entraînant la chute de la dictature du colonel Carlos Ibáñez. Ce n’est que le début.
Parmi les membres fondateurs du Parti socialiste chilien en 1933, on peut reconnaître le visage du jeune Salvador Allende, à peine âgé de 25 ans. C’est le début d’une carrière politique hors du commun, où le leader s’affirme d’abord comme un camarade indéfectible.
Car oui, on le connaît pour sa vigoureuse opposition à la « loi de défense de la démocratie » mascarade légale cherchant à interner dans des camps de rétention les militants et leaders communistes.
En 1943, il est élu secrétaire générale du PS, puis devient sénateur. Il en deviendra président vingt ans plus tard.
Quand on retrace l’histoire du leader socialiste chilien, on perçoit d’emblée ses prétentions aux plus hautes fonctions, cherchant à promouvoir sans vergogne l’idée d’un socialisme démocratique et légaliste, qui doit parvenir au pouvoir par une union des forces de gauche. Et c’est le cas.
À trois reprises, il se présente sans succès comme candidat à la présidence du Chili, sous l’égide du Front du peuple en 1952, puis pour le Front populaire dans les années 60. Il faut attendre 1970 pour qu’il soit élu sous la bannière de l’Unité populaire (UP) union des socialistes, communistes, radicaux, socio-démocrates et des quelques castristes chiliens.
Intègre, rigoureux et loyal à ses principes, Salvador Allende gouverne avec ténacité. Au pouvoir à 62 ans, il se lance dans des réformes agraires et politiques de nationalisations de grande envergure. Il croit profondément aux institutions.
Dans son histoire personnelle, convergent l’histoire d’un projet socialiste à l’énergie effervescente, d’une alternative nouvelle, et surtout d’une union.
Cette union, elle m’inspire. En elle, on retrouve la volonté commune d’union de la gauche, l’adhésion partagée des Chiliens au socialisme.
Et quelque part, oui, la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale que nous avons construit, tous ensemble aux dernières élections législatives, elle est l’héritière de l’Unité populaire d’Allende.
Car la volonté d’union de la gauche transcendent les frontières temporelles et spatiales. es valeurs de solidarité, les combats pour la justice et de pleine reconnaissance de la dignité humaine nous animent encore aujourd’hui. Notre lutte ne connait pas les frontières, elle est universelle.
On nous dira qu’Allende était naïf, trop modéré. Il a fait des erreurs, sous-estimé ses détracteurs. Sa chute a ses raisons : que ce soit la trahison par les militaires soutenant le général Pinochet ou les entreprises de déstabilisation des États-Unis.
L’expérience du gouvernement d’Unité Populaire a succombé à la violence des armes du coup d’état… et pourtant sa foi dans l’Histoire et la lutte pour la démocratie et la justice n’a jamais failli. Non, il a préféré se sacrifier plutôt que de fuir sa patrie. Il a préféré véhiculer un message d’espoir même face à la gravité de la situation. C’est à ce socialisme intransigeant et à cette union sincère que je veux rendre hommage aujourd’hui.
Mais ce serait oublier, la suite de l’histoire. Notre commémoration ne se limite pas seulement à la vie et mort d’un grand homme mais aussi aux milliers d’exilés, tués et disparus pour leurs soutiens à l’union de gauche. La répression fut sanglante et profonde. Près de 100 000 personnes arrêtées, 3 200 tuées, 35 000 torturées et 200 000 Chiliens ont pris le chemin de l’exil sous la dictature de Pinochet. À compter du 11 septembre 1973, la France a accueilli environ 15 000 ressortissants chiliens.
J’aimerais souligner la particularité de cette migration et de l’accueil de nos camarades dans la résistance contre l’injustice et les dérives autoritaires. L’arrivée en France des réfugiés en provenance de Chili est un tournant très important dans l’histoire de notre pays.
Sous l’impulsion d’associations comme la Cimade et France-Terre d’Asile, d’associations humanitaires et un grand éventail de personnalités allant de la gauche et de l’extrême gauche, le gouvernement de Pompidou met en œuvre d’intenses efforts pour informer, héberger, orienter professionnellement les réfugiés.
Ce système s’accueil bienveillant est une réussite dans l’histoire sociale française et il est essentiel de ne pas oublier ce lien indéfectible et solidaire entre les Français et exilés chiliens.
La portée mémorielle du monument près duquel nous nous tenons résonne encore plus profondément en nous. Face à elle, on y décèle le souvenir d’un État-providence français plus généreux, défenseuse de valeurs universelles. Cet exemple de solidarité m’inspire.
Un demi-siècle s’est écoulé depuis le sacrifice de Salvador Allende. De lui, j’aimerais commémorer personnellement son sens du contact avec l’électorat populaire et ses coalisation partisanes.
De sa vie, j’aimerais commémorer, le rayonnement sur les consciences et les résistances. De sa mort, j’aimerais commémorer une histoire collective, celle d’un peuple prêt à se battre pour défendre un idéal socialiste.
J’aimerais conclure par les mêmes mots qui ont débuté mon intervention, pour ne jamais en oublier le message : « Travailleurs de mon pays, ils peuvent nous assassiner mais on ne retient pas les mouvements sociaux ni par le crime, ni par la force. Tôt ou tard se rouvriront les larges avenues par où passe l’homme libre qui ira construire une société nouvelle. »
Merci pour votre attention. ”