Le budget de la sécu : votre député en première ligne
Mardi soir a marqué la fin de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale, autrement dit le budget de la Sécurité Sociale : c’est le texte qui arrête et décide des recettes et des dépenses qui portent la politique sociale (santé, hôpital, Ehpad services à domicile, personnes âgées, personnes handicapées, prestations familiales, retraites, accidents du travail) du pays en 2025. Et ça compte ! Rendez-vous compte, ce budget de 662 milliards est plus important que le budget de l’État. Du financement de l’hôpital public, au Nutriscore, en passant par l’abrogation de la réforme des retraites, l’examen de ce PLFSS a été l’occasion de débattre et de tenter d’obtenir des avancées sur des sujets essentiels à la vie de tous les Français. Étant chef de file du Groupe socialiste sur le texte, j’ai mené au cours de ces dernières semaines un combat article par article, amendement par amendement, prise de parole par prise de parole, pour défendre ce que j’estime être un budget de la Sécurité Sociale ambitieux et cohérent avec les besoins des Français. Et j’avais annoncé notre méthode dès le début des débats dans l’hémicycle lors de mon discours à la tribune autour de la motion de rejet préalable, que nous avons préféré, à gauche, transformer en une nouvelle méthode de travail et de compromis, entre les députés et le Gouvernement, justement pour éviter un 49-3.
Défense à la tribune de la motion de rejet préalable du PLFSS :
Un texte initialement mal ficelé
Le texte initial présenté par le Gouvernement de M. Barnier, réalisé sans concertation, relevait d’une vision comptable de la Sécurité Sociale, sans partir des besoins pour ajuster les ressources à mobiliser.
Il était, en premier lieu, extrêmement injuste, en faisant porter un coût important sur des franges de la population les plus précaires. Il y avait, par exemple, le gel de l’indexation des pensions de retraites sur l’inflation, qui coûterait 420 euros pour un couple de retraités avec chacun une pension à 1 400 € net par mois. Il y avait aussi la hausse du ticket modérateur, qui signifie une baisse de la prise en charge des consultations de médecin : au moment où, et c’était légitime, elles augmentent pour passer de 25 à 30 euros, la part du remboursement par la Sécu va passer de 70% à 60%. Concrètement, c’est une augmentation du reste à charge de 4 euros par consultation. Comment vont faire les 3 millions de français qui n’ont pas de mutuelles ? Et pour tous les autres, ce sera immanquablement une augmentation de 8 à 10% des cotisations des mutuelles. C’est bien vers un recul de la Sécurité Sociale et sa privatisation par petites touches de la santé des Français que s’oriente ce PLFSS.
L’inadéquation du projet présenté par le Gouvernement se trouve surtout dans l’insuffisance de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie, appelé l’ONDAM, qui représente les dépenses de santé. En effet, si le Gouvernement a martelé qu’il était bien croissant, à 2,8% pour 2025, ce n’est qu’un effet d’optique qui masque une stagnation des dépenses. Ajusté à l’inflation (1,8%) et à un tour de passe-passe sur le taux de cotisations applicables aux employeurs territoriaux et hospitaliers, il revient à 0,1%, soit un des plus faibles des trente dernières années. À chaque examen des PLFSS des deux années précédentes, l’ONDAM a systématiquement été sous-estimé, ce qu’il s’est passé cette année. J’ai évidemment interpellé le Gouvernement sur cet objectif inacceptable, qui ne peut pas être abordé qu’à travers prisme budgétaire, il en va des soins que recevront les Français dans les hôpitaux et dans les Ehpad en 2025 !
Prise de parole en séance pour dénoncer la sous-estimation de l’ONDAM :
Le projet de PLFSS présenté était éloquent par son silence sur les grandes problématiques auxquelles est confronté le secteur de la santé. Pouvons-nous concevoir que le mot désert médical n’est pas évoqué une seule fois dans l’ensemble du texte qui a été présenté ? Et que les grands chantiers que sont le vieillissement de la population, le handicap, la santé des enfants, des femmes, et la santé mentale, sont autant d’absents dans le texte du Gouvernement ? C’est aussi la prévention, point de départ de toute politique de santé ambitieuse, qui n’a pas trouvé d’incarnation dans le projet soumis par le Gouvernement.
Un examen que nous aurions souhaité sous le signe de la responsabilité et du dialogue, sans réponse du Gouvernement
Michel Barnier a avoué lui-même que le texte était perfectible, étant le produit d’un contexte inédit qui a conduit à sa réalisation en toute hâte. Cet appel, qui semblait être une main tendue aux parlementaires pour travailler sérieusement sur le texte, n’a pourtant pas trouvé d’écho au cours des travaux. Alors que le texte a été rejeté à l’unanimité par la Commission des affaires sociales – fait inédit dans l’histoire contemporaine, le Gouvernement n’a à aucun moment cherché à solliciter les députés pour envisager sérieusement la modification du texte. On m’avait assuré que je recevrai des appels du Gouvernement, qu’ils chercheraient à trouver un compromis, à discuter. Il n’en a été rien. À aucun moment ni mes collègues ni moi-même n’avons pu compter sur des indications constructives des ministres sur des propositions d’économies, de dépenses, ou de recettes sur lesquelles ils auraient été prêts à travailler et à discuter ensemble.
Cette situation m’est d’autant plus insupportable que la situation politique qui a émergé des élections de juillet dernier fait qu’aucun groupe politique ne peut avoir raison tout seul. S’il y a bien une chose que nous devrions avoir appris, c’est l’impérieuse nécessité de donner un nouveau souffle à la démocratie parlementaire, et à la délibération et au compromis qui en découle. C’est cette conviction qui guide ma conduite à l’Assemblée. Il faudrait que chacun, à commencer par le Gouvernement, accepte désormais d’œuvrer sans se figer sur ses positions, en faveur de l’intérêt général.
Lors de la motion de rejet préalable, avant l’examen du texte en séance publique, j’ai clairement énoncé l’esprit dans lequel le Groupe socialiste et moi-même avons par la suite abordé ce texte : une démarche constructive et responsable. Ainsi, si une mesure permettait d’améliorer concrètement la vie des Français, bien que n’allant pas aussi loin que je l’aurais souhaité, alors cette mesure a reçu mon vote. Ne pas s’enfermer dans des positions principielles et absolutistes relève d’un sens des responsabilités. Voilà l’esprit que je me fais de ma fonction et de mon devoir, et comment j’ai mené mon combat pour le PLFSS.
Un objectif qui me tenait particulièrement à cœur était qu’enfin, à la différence des années précédentes où la manœuvre du 49-3 était évidente et assumée, l’ensemble des articles du texte soient débattus à l’Assemblée nationale. Cela aurait envoyé un signal que le parlementarisme de fait était véritablement de retour, et qu’il était respecté par le Gouvernement. Que soit discuté le texte dans son entièreté me parait le strict minimum du respect du rôle de l’Assemblée nationale. J’ai interpellé le Gouvernement pour leur demander de permettre un prolongation des débats dans la nuit de mardi, demande à laquelle ils n’ont pas accédé. Nous savons au fond très bien comment tout cela va finir : avec un 49-3 !
Dénonciation à la tribune du manque de recherche de dialogue et de compromis du Gouvernement :
Un financement juste pour la Sécurité Sociale
Les débats sur le PLFSS ont été révélateurs d’une question politique de fond : l’impossibilité de la part des partis du « socle commun », nom incongru de majorité sur laquelle repose ce Gouvernement, d’envisager de résoudre les déficits du système de Sécurité Sociale par une augmentation des recettes. Je suis convaincu qu’un autre financement de la Sécurité Sociale est en effet possible, avec des leviers qui permettraient de financer les dépenses que nous savons nécessaires.
Le plus important des leviers est la politique d’allègement des cotisations sociales, qui s’est emballée sous la présidence d’Emmanuel Macron, et qui a représenté une baisse considérable des recettes, tout en ayant un impact sur l’emploi et sur la compétitivité qui est critiquée de manière croissante par la littérature économique. J’alertais déjà sur l’enjeu critique que représente ce sujet dans un rapport d’enquête parlementaire en 2023. Alors que les exonérations avaient un coût annuel de 50 milliards en 2019, elles représenteront 80 milliards milliards en 2025. C’est là, je pense, que se trouve le « pognon de dingue » qui peut permettre de financer notre système de Sécurité Sociale. Pour mettre ces chiffres en perspective, la réforme des retraites de 2023 permet de réaliser 4 milliards d’euros d’économies en 2025, et 14 milliards à l’horizon 2030.
Le socle commun, appuyé par le RN, ne veut pourtant pas entendre parler d’une remise en question de certains allègements d’exonération, pour le motif qu’elles seraient nécessairement et intrinsèquement bénéfiques pour l’activité économique et l’emploi, quoi qu’en disent les études scientifiques d’évaluation. Ces députés ont ainsi rejeté l’article 6 du PLFSS, pourtant présenté par le Gouvernement lui-même, qui visait à revenir sur 5 milliards d’exonérations de cotisation. En commission des affaires sociales, une coalition du socle commun et du RN a supprimé cet article pourtant porté par le Gouvernement. On demande en l’espèce une contribution à ceux qui le peuvent et non à ceux qui la subissent. J’ai donc défendu cette mesure de justice sociale en séance.
Défense en séance d’un article portant sur la suppression d’exonérations de cotisations sociales :
Ce vote est révélateur du mode opératoire macroniste : organiser le déficit en asséchant les recettes, pour mieux justifier une baisse des dépenses. La révélation faite par le ministre des Comptes publics que le Ségur de la santé et la nécessaire revalorisation des salaires des soignants, n’avait pas été financé, en est une preuve supplémentaire sidérante. Je pense qu’il n’est par ailleurs pas crédible de se cacher indéfiniment derrière une dégradation des conditions macro-économiques pour justifier les baisses de dépenses. Un changement de focale sur les moyens de financement de la Sécurité Sociale est plus que jamais nécessaire.
Le ministre des Comptes publics avoue en Commission, de manière inédite, que le Gouvernement n’a pas prévu de financement pour le Ségur de la Santé :
Malgré tout, combatif !
Malgré les oppositions et les difficultés, nous sommes parvenus à obtenir un nombre certain de victoires dans l’examen du PLFSS.
Bien que le dogme des exonérations sociales n’ait pas pu être réellement remis en question, plusieurs amendements venant de la gauche ont permis de dégager des recettes supplémentaires pour financer les dépenses de santé. Nous avons trouvé des sources de recettes sur le capital et le patrimoine, avec une augmentation de la CSG sur les produits de placement financier (en préservant l’épargne populaire type livret A), un assujettissement des dividendes ou des plus-values levée-vente d’actions aux cotisations sociales, entre autres. Le rendement de ces recettes se situerait entre 15 et 17 milliards d’euros par an, et permettrait au système de Sécurité Sociale d’avoir un niveau de financement au moins cohérent avec ses besoins à court-terme. Et nous avons fait preuve de responsabilité, loin de la pseudo-frénésie fiscale qui nous est reprochée. C’est la raison pour laquelle nous avons retiré nos autres amendements de recettes quand nous avons estimé avoir atteint l’objectif. In fine, la partie du PLFSS sur les recettes a été adoptée avec les seules voix de la gauche, contre les députés du socle commun et avec l’abstention du RN. Cette démarche relève de ce qui est pour moi une évidence : un budget de la Sécurité Sociale doit se construire avant tout sur les besoins en santé du pays. On pourrait supposer que ce serait évident. Et pourtant …
Défense en séance des victoires obtenues sur les recettes du PLFSS :
Une autre victoire est l’inscription à l’annexe du PLFSS de l’abrogation de la réforme des retraites d’avril 2023. Cette dernière avait en effet été adoptée par un projet de loi rectificatif du PLFSS, il me paraissait ainsi pertinent d’entériner l’objectif de son abrogation par le même vecteur législatif. La position que nous avons défendue avec le Groupe socialiste est que rajouter deux années supplémentaires de travail aux français constitue un impôt injuste sur la vie. Nous souhaitons financer le déficit à court-terme que créerait l’abrogation par une sur-cotisation sur l’assurance vieillesse, dans l’attente d’une conférence de financement pour déterminer les modalités de résolution du déficit structurel des retraites. Tel est l’objectif que nous avons réussi à faire inscrire dans le PLFSS. Nous n’oublions pas que nos décisions impactent la vie des millions de français qui souffrent de cette réforme inique.
Défense en séance de l’inscription dans l’annexe du PLFSS l’objectif d’abrogation de la réforme des retraites :
Nos travaux ont permis d’obtenir l’adoption d’amendements pratiques permettant de lutter de manière préventive contre la malbouffe. Il me paraît indispensable que les leviers préventifs que sont l’éducation et l’incitation doivent être utilisés aux côtés de l’interdiction et des sanctions pour conduire une politique de santé publique ambitieuse. Ainsi, j’ai déposé un amendement qui vise à réformer la taxe soda, et qui a été adopté après avoir été initialement rejeté. Par une refonte des tranches d’imposition qui sera plus simple, cette mesure n’aura pas pour objectif de créer des recettes, mais bien d’inciter tout un chacun d’adopter des pratiques alimentaires saines. Dans le même sens, j’ai proposé un amendement rendant obligatoire l’affichage du Nutriscore dans les publicités, qui a également été adopté.
Quoi qu’il en soit, cet examen du PLFSS reste entaché par un scandale : nous n’avons pas réussi à aller au bout de ce PLFSS, qui n’a donc pas été soumis au vote. Alors que nous avons retiré presque l’entièreté de nos amendements afin de libérer du temps, le Gouvernement et les députés du « socle commun » n’ont pas accepté de prolonger dans la nuit l’examen des articles restants, qui pourtant aurait été possible. Ainsi l’Assemblée nationale a été empêchée d’aborder des sujets essentiels comme le financement de la branche autonomie ou encore le gel des pensions de retraite, alors que le Gouvernement rappelait encore la perfectibilité du texte. Cela ne constitue rien de moins qu’un déni de démocratie. J’ai donc pris la parole pour protester contre ce déni de démocratie.
Dénonciation de l’obstruction organisée des députés du socle commun pour empêcher l’examen de l’ensemble du texte en séance :
Désormais, le texte est parti au Sénat, mais dans sa version initiale, sans tenir compte de nos amendements. Le Président du Groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, a donc interpellé le Premier ministre sur la nécessité de respecter le travail que nous avons effectué à l’Assemblée nationale.
Pour terminer, je vous propose un retour sur les cinq jours intenses de débats en séance autour du budget de la Sécurité Sociale. Je suis, en effet, revenu, tout au long de la semaine, pour le Groupe socialiste duquel j’étais le responsable du suivi des travaux autour du PLFSS, sur la stratégie de notre groupe, entre les combats menés et les victoires arrachées. C’est aussi ma conception du débat politique : expliquer, expliquer, expliquer.
Des objectifs clairs et ambitieux pour l’examen du PLFSS en séance :
Notre stratégie pour l’abrogation de la réforme des retraites dans le PLFSS :
L’alliance inique du socle commun et du RN contre la suppression d’exonérations de cotisations sociales :
Les victoires socialistes sur le volet des recettes du PLFSS :
L’obstruction du socle commun sur le travail constructif sur les dépenses du PLFSS :
Désormais, le texte est parti au Sénat, mais dans sa version initiale, sans tenir compte de nos amendements. Le Président du Groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, a donc interpellé le Premier ministre sur la nécessité de respecter le travail que nous avons effectué à l’Assemblée nationale :